2022 déjà en ligne de mire
Le 30 juin 2022, cela fera quarante ans que l’observatoire aura été créé par quelques aventuriers de la santé publique. Cela était plutôt novateur car le réseau était loin d’être achevé et l’ORS de Picardie n’était alors que le septième du nom.
Depuis, que de chemin parcouru avec toutes les transformations qui se sont additionnées au cours du temps ! Ainsi, l’élargissement à la dimension sociale à travers l’ajout d’un deuxième S à son sigle fut la première évolution notable au début du XXIe siècle. Puis, le pourtour de son territoire d’intervention s’est agrandi : dans un premier temps à la Haute-Normandie et, avec la loi Notre, à un territoire encore plus vaste allant de la Belgique au Mont-Saint-Michel. Cela représente une taille de population d’un septième de la France, de quoi mesurer des différences territoriales importantes comme l’atteste une grande partie de l’activité.
Les transformations se sont faites aussi en termes de méthodes d’analyse et, pour y arriver, de nouveaux outils ont été créés pour gérer des bases de données de plus en plus volumineuses. Ces mutations ont aussi nécessité une autre organisation de l’équipe, tant individuelle que collective, dans un contexte de sécurité de l’information qui s’est profondément modifié. En effet, il faut que l’observatoire s’inscrive dans les obligations du règlement général sur la protection des données (RGPD) mais aussi dans les procédures imposées par le système national des données de santé (SNDS), l’OR2S faisant partie des organismes y ayant un accès permanent depuis la loi de modernisation de notre système de santé de 2016.
C’est enfin le besoin de mener des approches innovantes pour être en mesure de répondre aux défis de la santé publique d’aujourd’hui et de demain, la Covid-19 nous montrant au quotidien le besoin d’être en permanence à la fois réactif et inventif.
Dans un contexte général où la qualité des bases de données a plutôt tendance à se dégrader, le suivi de milliers d’indicateurs sanitaires et sociaux ayant pour objectif d’être renseignés sur différentes échelles territoriales (parfois fines) nécessite une attention permanente rigoureuse. D’autant que les informations croisées se doivent de s’attacher à faire ressortir les liens existants entre indicateurs sanitaires et sociaux. Cela est apparu comme un besoin criant à travers l’épisode pandémique comme l’ont révélé plusieurs travaux tant nationaux qu’internationaux. L’étude réalisée par la Fnors au printemps 2020 a en tout cas fait ressortir que les quelque 1 250 EPCI français n’étaient pas à la même enseigne quant à la situation pandémique du fait de facteurs sociaux et environnementaux fort diversifiés. De fait, ce type d’étude a pour objet de prioriser les territoires sur lesquels l’action publique se doit d’être davantage planifiée, notamment en ciblant au mieux les populations les plus exposées aux facteurs de risque.
La nécessité de construction d’indicateurs toujours plus à même d’approcher la réalité sociale, exige de fait des informations les plus interprétables possible. Dans ce contexte, l’application Agit que l’OR2S développe depuis nombre d’années permet des déclinaisons adaptées à la diversité de ses utilisateurs, allant parfois du novice dans certains domaines traités à l’expert. De façon plus large, cela s’inscrit dans une amélioration permanente de son système d’information. C’est dans ce cadre que l’OR2S a élaboré de nouveaux partenariats, que ce soit depuis quelques années avec le centre régional d’informatique et d’applications numériques de Normandie (Criann) pour y installer ses serveurs ou utiliser son super calculateur, que, plus récemment avec l’université de Paris Dauphine pour développer de nouvelles méthodes d’analyses statistiques et de traitement de la donnée dans un environnement Big Data.
Dans ce contexte, l’autorisation du 15 avril 2021 de la Commission nationale d’informatique et des libertés (Cnil) permettant à l’OR2S et à la Fnors de pouvoir mettre en oeuvre des traitements automatisés à des fins de recherche, d’étude et d’évaluation nécessitant un accès aux données des causes médicales de décès (CépiDc) s’avère essentielle. Cette autorisation porte sur la période 2000-2020 en sachant qu’il faudra refaire une nouvelle demande d’ici trois ans qui passera par un audit externe et une décision d’homologation d’ici la fin 2022. Espérons que l’expérience acquise lors de cette première étape offrira moins d’attente entre dépôt et acceptation que celle qui vient de s’achever.
En cela, on mesure combien il est compliqué de rester en parfaite adéquation avec toutes les nouveautés que le numérique nous offre. Se posent cependant toujours les mêmes questions : À qui souhaite-t-on laisser l’accès aux bases de données, notamment de santé dont on s’enorgueillit, sans pour autant que soit menée une réflexion sur l’efficacité dans l’accompagnement de la politique de santé ?
Qui peut/doit avoir accès aux données de façon générale ? Et dans quelles limites ?
L’Open data qui consiste en l’ouverture, au partage et à la réutilisation des données publiques constitue une dimension importante de la politique de modernisation de l’action publique, mais elle n’est pas la seule. Cette ouverture ne répond en effet que d’une façon minimaliste à l’élaboration d’une politique de santé qui soit réellement à même de prioriser les actions à un échelon territorial fin. La question de l’anonymat des personnes est difficile à respecter dès lors que l’analyste dispose par ailleurs d’informations cumulatives, indirectement identifiantes, telles que l’âge, le lieu de résidence, le genre... Cette préoccupation devient nécessairement plus qu’obligée lorsque l’échelle de la zone d’étude se réduit. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’outil offert aux ORS n’autorisera plus la production de résultats avec des effectifs de moins de dix personnes comme l’a demandé la Cnil pour les données de mortalité.
En 2022, l’OR2S aura donc quarante ans, un âge où les exigences professionnelles deviennent souvent plus importantes mais aussi où les maladies chroniques font leur première apparition. Dans ce contexte, l’OR2S se doit de répondre aux premières en retardant au maximum les secondes, ce qui ne peut passer que par un renforcement de son expertise interne et par une ouverture à de nouveaux partenaires. En tout cas, c’est le chemin incontournable pour que se renforce une observation de la santé et du social indépendante et à même d’accompagner toujours mieux les décideurs à différents niveaux territoriaux pour agir en fin de comptes sur la réduction des inégalités sociétales de santé, mentionnée dans toutes les politiques depuis deux décennies.